
Amazônia au Quai Branly : l’Amazonie se raconte
Categories : Expo, publié le : 19/10/2025
Quand la forêt reprend la parole
Oubliez les clichés de cartes postales, les jaguars apprivoisés et les flûtes de pan : au musée du quai Branly, l’Amazonie sort du cadre exotique où l’Occident l’avait figée.
L’exposition « Amazônia - Créations et futurs autochtones » bouscule les regards et fait dialoguer art contemporain et patrimoine vivant. Une invitation à entendre la forêt autrement : non plus comme un décor, mais comme une entité vibrante, peuplée de voix, d’êtres et de mémoires.
Une Amazonie plurielle, vivante, résolument contemporaine
Grâce à un commissariat scientifique partagé entre Leandro Varison et l’artiste amazonien Denilson Baniwa, le musée du quai Branly propose une vision de l’intérieur, nourrie du savoir des peuples autochtones et du musée d’Archéologie et d’Ethnologie de São Paulo.
Ici, plus de 350 communautés et 300 langues se répondent : la diversité est la norme, la modernité un état naturel.
Dès l’entrée, vous pourrez admirer une nuée de coiffes de plumes Iny-Karajá suspendues dans l’espace. Le lien profond tissé entre le musée et les peuples représentés se lit dans chaque fibre, chaque éclat de couleur.
Tradition ou contemporanéité ? Un faux débat
Les commissaires le rappellent : « Tout est moderne, tout est contemporain. »
Dans ce parcours où se côtoient urnes funéraires, masques chamaniques, céramiques millénaires et installations multimédias, l’exposition renverse la hiérarchie entre « artefact » et « œuvre d’art ».
Les poupées ritxoko en terre cuite dialoguent avec les photographies oniriques de Paulo Desana, tandis que l’installation « Carta ao velho mundo » du regretté Jaider Esbell tisse un pont entre cosmologie autochtone et art conceptuel européen.
La beauté comme diplomatie
À travers ces œuvres, c’est une autre diplomatie qui s’exerce : celle du lien. Les peuples amazoniens ne séparent pas les humains des non-humains : ils négocient avec les plantes, conversent avec les rivières, pactisent avec les esprits.
Cette philosophie irrigue les toiles de Carlos Jacanamijoy, telle « El Collar de los abuelos » (2023), flamboyante célébration des ancêtres et des forêts. La beauté, ici, n’est pas juste de l'esthétique — elle est outil de résistance et d’harmonie.
Renaissance d’un dialogue
Parmi les moments forts de l'exposition, vous pourrez admirer la création d’un diadème en plumes pariko en octobre 2024 par cinq représentants Boe-Bororo. Un geste symbolique, renouant avec les objets collectés par Claude et Dina Lévi-Strauss près d’un siècle plus tôt. Loin du passé muséal, c’est un présent collaboratif qui se tisse : les communautés reprennent la main sur leurs récits, leurs formes, leurs savoirs.
Une forêt de sens, un monde en transformation
« Dans les mondes amazoniens, la valeur centrale n’est pas la productivité, mais l’abondance », rappellent les commissaires. Ici, les jardins se confondent avec la forêt, les corps deviennent toiles, les mythes s’écrivent en pigments et en chants. L’exposition révèle une Amazonie métaphysique et joyeuse, où la création est acte de survie, où chaque geste artistique maintient la vitalité du monde.
« Amazônia – Créations et futurs autochtones » au musée du quai Branly – Jacques Chirac est une véritable réconciliation poétique entre le visible et l’invisible. Elle invite le visiteur à revoir notre propre position dans le grand théâtre du vivant, à comprendre que la modernité n’est pas une exclusivité occidentale.
Sous la canopée du musée, la forêt nous regarde. Et cette fois, c’est à nous d’écouter.
Informations pratiques
Musée du quai Branly – Jacques Chirac. Jusqu’au 18 janvier 2026. Ouvert du lundi au samedi et dimanche de 10 h 30 à 19 h 00, nocturne le jeudi jusqu'à 22 h 00.
Photo ©Mohmeed Nazeeh - Unsplash